MES CANARDS SAUVAGES (1:2)
Un beau matin de printemps, je vois tout à coup, sur la pelouse de mon immeuble, un couple de canards qui semblaient regarder fixement en direction de ma fenêtre.
Étant donné que pendant tout l’hiver j’avais nourri consciencieusement un couple de merles, plusieurs mésanges et je ne sais combien de moineaux, je me suis dit que la rumeur s’était propagée parmi la gent animale.
Afin de ne pas ternir ma bonne réputation d’amie des bêtes, je leur ai donc jeté des morceaux de pain. Ils n’ont pas tardé à s’approcher, la femelle en tête, bien décidée, et le mâle derrière, plus timide. Ils avaient un solide appétit et j’ai dû à plusieurs reprises jeter à nouveau du pain.
Je pensais qu’ils étaient seulement de passage, et le lendemain matin j’avais tout oublié, quand mon mari me dit tout à coup : "Tes canards sont là". En effet, ils étaient au même endroit que la veille. Mais cette fois-ci, je n’ai pas eu à jeter du pain : dès que j’ai ouvert la fenêtre, ils sont accourus.
La scène s’est répétée chaque matin. Au bout de quelques jours, je n’avais qu’à apparaître derrière la vitre, et ils me repéraient tout de suite. Un jour, j’étais en retard pour un rendez-vous, et je les avais oubliés. Quand je suis sortie, ils m’attendaient à la porte. J’étais bien ennuyée, mais je n’avais absolument pas le temps de remonter chercher du pain. J’ai donc lâchement fait semblant de ne pas les voir, mais ils m’ont suivie jusqu’au garage à la queue leu leu. J’avais bonne mine avec ma procession de canards et ma mauvaise conscience !
Quand je suis rentrée, deux heures plus tard, ils m’attendaient à la porte du garage. Ils m’ont suivie jusqu’à l’entrée de l’immeuble, et ils ont attendu patiemment dehors. Devant tant de confiance, j’ai craqué et je suis descendue leur donner à manger. La femelle est venue prendre le pain dans ma main, le mâle, toujours plus craintif, attendait que je lui jette la nourriture.
Chaque jour, une fois rassasiés, ils prenaient leur essor et s’envolaient vers un lac situé près de chez moi.
Un jour, ils ne sont pas revenus. Mais une surprise m’attendait au printemps suivant : un matin, j’ai été réveillée par des "rap-rap" (le "coin-coin" du canard danois) sous ma fenêtre. C’étaient "mes" canards ! Cela s’est reproduit pendant trois ans. Un jour où je tardais à faire ma distribution quotidienne de nourriture, j’ai vu tout à coup la femelle apparaître à hauteur de ma fenêtre, qui se trouve au deuxième étage.
Elle est restée là à battre des ailes pendant quelques secondes, en me regardant fixement. Cela fait un drôle d’effet de voir tout à coup une tête de canard tout contre la vitre !
Ils sont donc partis, et quand je vois un couple de canards sauvages survoler la cour, j’espère que ce sont mes canards et qu’ils ont trouvé une nouvelle amie ailleurs. Peut-être qu’ils ne m’ont pas oubliée ? D’ailleurs j’ai bien l’impression qu’en passant devant l’immeuble, ils tournent légèrement le cou dans ma direction...
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