Chaque automne, j'assiste à la même scène, quand je me promène dans les alpages. Je vois, au loin, des jeunes gens qui
arpentent les prairies, tête baissée, scrutant le sol et semblant chercher quelque chose. La première fois que c'est arrivé, il s'agissait d'une bande de jeunes gens qui, après avoir garé
leur voiture près de la nôtre, sur un parking de montagne, étaient descendus dans un champ en contrebas. J'avais cru qu'ils allaient, comme nous et tous les autres promeneurs,
suivre le sentier de randonnée et je m'étais demandé pourquoi ils descendaient dans cette cuvette pleine de bouses de vaches.
Ensuite je m'étais étonnée de les voir tous chercher quelques chose dans l'herbe, s'accroupissant parfois pour mieux voir. Ils ne pouvaient pas avoir perdu
là quelque chose, car je les avais vus arriver. C'était la saison des champignons, mais ces jeunes avec leurs piercings, leur coiffure punk et leurs vêtementss gothiques ne ressemblaient
pas du tout à des ramasseurs de champignons. Alors de quoi s'agissait-il? Je suis très curieuse, alors je suis allée dans le champ voisin, pour voir ce qui pouvait être si
intéressant. Il ne pouvait pas s'agir d'herbes aromatiques, car même s'il y en avait, elles auraient sûrement eu le goût et l'odeur des bouses de vaches, autour desquelles je devais faire
du slalom pour examiner attentivement le sol. Mon mari commençait à s'impatienter et j'allais abandonner mes recherches, quand j'ai aperçu quelques petits champignons coniques
marron, dont le pied était très haut.
Des
doutes me sont venus quant à leur nature. Je suis partie en randonnée bien décidée à élucider la question, dès mon retour à la maison. Apparemment les jeunes m'avaient observée car, dès
que j'ai eu rejoint le sentier de randonnée, ils ont abandonné l'endroit de leurs recherches qui, apparemment, avaient été infructueuses, pour se diriger vers "mon" champ. Arrivés
là où je m'étais baissée pour observer les champignons, ils se sont mis à les ramasser. J'avais par hasard découvert un très un bon coin. J'ai regretté de les avoir mis involontairement
sur la piste, car je pressentais un danger. J'ai appris en effet plus tard qu'il s'agissait de champignons hallucinogènes de la famille des "psilo". Ils sont toxiques et leur consommation
- et même la cueillette - sont interdites dans de nombreux pays. Dans certaines régions de France où ils foisonnent, la police fait même des patrouilles. Ils peuvent causer des troubles
très désagréables mais passagers, mais parfois aussi, chez des sujets psychiquement fragiles, ils peuvent déclencher des maladies mentales.
Je me suis promis, la prochaine fois que je verrai des ramasseurs de champignons hallucinogènes, d'aller leur dire que ces substances sont très dangereuses, mais je ne l'ai jamais fait,
me disant: "Ils n'écouteront pas mes avertissements et m'enverront sûrement promener". C'est donc ce que je fais, au sens propre du terme ! Mais après j'ai eu des remords. Les
jeunes doivent en effet être mis en garde contre les méfaits de toutes les drogues.
© Françoise Andersen
Cette histoire a déjà été publiée, il y a quelques années, sur le site de l'école de Martigny
(Suisse)
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