LE CHIEN QUI AIMAIT LA MONTAGNE

Publié le par Françoise Andersen


 

Nous partons souvent marcher en montagne à partir du Col du Feu, qui n’est pas très loin de Thonon. Il y a quelques années quand, pour la première fois, nous sommes arrivés sur le parking, le chien de l’auberge est tout de suite venu vers nous à pas lents. C’était un sympathique chien de chasse à poils longs.


Il nous a regardés, avec beaucoup d’intérêt mettre nos chaussures de randonnée. Quand nous avons été prêts à partir, je lui ai demandé : « Tu veux venir te promener avec nous ? » Semblant m’avoir comprise, il a remué sa longue queue d’un air guilleret et il nous a emboîté le pas.


Il nous a suivis jusqu’à la chapelle d’Hermone. Il s’est allongé discrètement à quelques mètres de nous, sans mendier quoi que ce soit. Quand nous avons déballé notre pique-nique et que je lui ai offert un bout de jambon, il l’a toutefois accepté, mais on aurait dit que c’était plutôt par gourmandise. Ce n’était donc pas par intérêt qu’il nous avait suivis. Il aimait, comme le « chien randonneur » d’une autre histoire, accompagner des promeneurs. Il a pris l’habitude de nous suivre chaque fois que nous partions en balade. Il grimpait bien plus vite que nous, mais il s’arrêtait de temps pour nous attendre.

 

Un jour, alors que nous redescendions, la pluie s’est mise à tomber. Il a alors quitté tout à coup le chemin et pris un tout petit sentier que je ne connaissais pas. Nous hésitions à la suivre. Alors il est remonté vers nous, puis a refait quelques pas dans le sentier. On voyait qu’il voulait nous montrer qu’il fallait aller par là. J’avais envie de lui faire confiance pensant qu’il connaissait un raccourci, mais mon mari n’a pas osé. Nous avons donc pris notre chemin habituel. Le chien est remonté vers nous en soupirant. Il semblait penser que nous étions bêtes, mais il ne voulait pas nous abandonner. La pluie est devenue plus forte. Nous avons mis nos imperméables et cela me faisait de la peine de voir ce pauvre chien tout mouillé qui marchait á côté de nous. Je lui ai dit sans trop d’espoir qu’il me comprenne : « Ne nous attends pas. Va vite te mettre à l’abri à l’auberge. » 

 

Croyez-moi si vous voulez, mais il est parti immédiatement à toute allure. Quand nous sommes arrivés à l’auberge, il était allongé bien à l’abri sous le balcon. Et le plus drôle, c’est que je lui avais parlé en danois, étant donné que je parle toujours danois quand je suis seule avec mon mari. Peut-être que la transmission de pensée marche avec les animaux... Pour ce qui est du sentier, nous avons su ensuite que c’était un raccourci qui nous aurait menés bien plus vite à la voiture.

 

Certains jours le chien préférait rester à l’auberge. Le patron m’avait expliqué que c’était quand il avait déjà fait trois ou quatre heures de marche avec d’autres personnes. Je n’insistais donc pas, surtout qu’au fil des années ce chien était devenu très vieux. Mais la présence de ce gentil compagnon me manquait ensuite.

 

La première fois, il était resté à l’écart pendant que nous pique-niquions. Mais, nous connaissant mieux, il avait pris l’habitude de s’installer à nos pieds pour faire une petite sieste. Parfois même sur nos pieds, nous servant de bouillotte. Quand il se réveillait, il allait s’asseoir là où on avait la plus belle vue sur les montagnes environnantes. J’avais dit à mon mari : « Regarde, il admire le paysage ! ». Mais il m’avait taxée d'anthropomorphisme. Son explication était beaucoup plus terre à terre. D’après lui, il cherchait simplement un éventuel gibier. Mais je ne suis pas du tout persuadée que mon mari ait eu raison.

 

Un soir, comme leur vieux chien n’était pas rentré, ses maîtres, inquiets, sont partis à sa recherche. Ils l’ont trouvé sans vie sur un sentier. Je crois que sentant sa fin proche, il avait choisi d’aller faire, seul, une dernière balade, pour finir sa vie dans cette montagne qu’il aimait tant.

 

Je repense toujours à lui avec émotion quand nous allons au Col du Feu. Je le revois courant devant nous, puis se retournant et nous attendant patiemment, et c’est un peu comme s’il n’était pas vraiment mort.

 

Publié dans CHIENS

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