L'ARAIGNÉE BLANCHE
Quand j’habitais en ville, j’avais très peur des araignées. Dès que j’en voyais une, je paniquais. Mais quand nous avons commencé à vivre à la campagne, je me suis peu à peu habituée à ces bestioles parfaitement inoffensives. J’ai même chaque année une grosse araignée noire qui travaille pour moi bénévolement dans la maison. Elle habite dans un recoin, près du plafond, et je me garde bien de l’en déloger. En effet, quand une énorme mouche entre dans la pièce et que je n’arrive pas à la chasser, j’abandonne car je sais que je ne vais pas tarder à entendre une sorte de bourdonnement continu, que j’ai appris à reconnaître. C’est la mouche, que l’araignée a attrapée et qui essaie en vain de se libérer. Les araignées et moi, nous nous entendons donc maintenant très bien. Mais un jour, le long du mur de la terrasse, j’en ai vu une qui ne m’a pas semblé très sympathique. Son dos ressemblait à une grosse tête avec deux petits yeux jaunes et ses pattes étaient très velues. Je me suis dit que je n’aimerais pas l’avoir comme locataire. L’idée qu’elle puisse me grimper dessus la nuit, pendant mon sommeil, me donnait la chair de poule. Mais comme elle était dehors et qu’elle était en train de tisser une magnifique toile d’une régularité étonnante, je me suis contentée de la photographier. Je ne pensais pas que nos destins allaient bientôt à nouveau se croiser. Quelques jours plus tard, je venais de finir de repeindre la partie blanche de la façade, mais il me manquait encore les deux petites fenêtres du haut. Avant de me mettre au travail, j’avais pris un balai pour enlever les toiles d’araignées qui étaient sous le toit et chasser leurs propriétaires, avec précaution et sans leur faire de mal, mais j’en avais apparemment oublié une. En effet, en peignant, j’ai senti quelque chose qui tombait soudain sur ma main gauche. J’ai eu le temps de m’apercevoir, avec effroi, que c’était l’araignée marron que j’avais prise en photo. J’ai eu immédiatement le réflexe de la chasser d’un large mouvement de la main droite, l’envoyant valser très loin, sur la pelouse. Comme je n’étais liée à elle par aucun lien affectif, et qu’elle m’inspirait même une certaine répulsion (pour ne pas dire une répulsion certaine), j’ai repris mon travail, sans plus m’en soucier. Mais quelle ne fut pas ma surprise, le lendemain, de découvrir, à gauche de la porte, l’araignée qui était revenue. Elle était à moitié blanche. Quand j’avais fait ce grand geste pour m’en débarrasser, c’est le pinceau plein de peinture, que je tenais à la main, qui l’avait touchée. Elle semblait beaucoup moins en forme que le jour de la photo, mais elle s’était remise au travail. Toutefois l’irrégularité de sa nouvelle toile laissait craindre qu’elle n’ait subi un léger traumatisme crânien, lors du choc avec le pinceau !
© Françoise Andersen Cette histoire a déjà été publiée, il y a quelques années, sur le site de l'école de Martigny (Suisse)
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